Quelle sera la portée juridique et politique de la Charte ?

Lors de l’examen du texte, le 14 octobre 2000 à Biarritz, le Président Chirac a déclaré que le texte de la Charte “serait soumis au Parlement européen, au Conseil et à la Commission en vue d'une proclamation solennelle à Nice. La question de la nature juridique de la Charte serait abordée conformément aux conclusions de Cologne” (Note du secrétariat de la Convention, le 17 octobre 2000). Voilà qui éclaire le citoyen européen, à condition qu’il sache ce que sont les conclusions de Cologne.

Selon une note de la Commission, les conclusions de Cologne laissent ouvert “le choix que [...] le Conseil européen devra faire, le moment venu, sur la nature de la Charte : proclamatoire ou intégrée dans les traités avec force juridique contraignante” (Communication de la Commission, le 13 septembre 2000).

Tout n’est donc pas encore joué, et la prudence du Président Chirac et de la Commission s’explique aisément quand on a pris la mesure des menaces que représente cette charte pour les salariés.

Mais il ne faut pas se faire d’illusion, les attaques que contient la Charte ne sont pas de pure forme, les risques n’ont pas été pris pour rien par ses rédacteurs. La Commission reconnaît d’ailleurs que le texte de la Charte a été rédigé “comme s’il devait être ultérieurement intégré dans les traités communautaires avec force juridique contraignante” (Communication de la Commission, le 13 septembre 2000).

Il faut donc s’attendre, malgré les atermoiements, à ce que le sommet de Nice soit l’occasion non seulement de proclamer cette charte, mais encore de lui donner force de loi fondamentale, d’en faire le socle juridique et moral d’une future constitution européenne.

Ecoutons M. Jean-Luc Dehaene, représentant personnel du gouvernement belge : “Dorénavant, toutes les mesures qui seront prises par [les institutions de l'Union et les Etats membres] seront appréciées au regard des principes énoncés par la Charte.

Il poursuit : “En vue de répondre aux critiques de ceux qui considèrent la Charte comme un instrument de régression sociale, il est primordial de préciser que celle-ci ne portera pas atteinte aux droits sociaux fondamentaux garantis par d'autres instruments internationaux ou par les législations nationales.” Nous devrions être rassurés, mais les commentaires de M. Dehaene ne font au contraire que confirmer notre conviction que la Charte se situe en arrière par rapport à tous les autres instruments internationaux ou législations nationales. Si ces instruments et législations garantissent des droits sociaux fondamentaux, pourquoi n’ont-ils pas été repris par la Charte ?

Le texte de la Charte “est en régression sur le droit social français, mais aussi sur l’ensemble des droits nationaux des Quinze et même sur le droit international” reconnaît lui-même le Collectif sur la charte des droits fondamentaux, collectif rassemblant diverses ONG et syndicats français favorables à l’instauration d’une charte.

Pour Les échos, la Charte constitue un véritable “paquet cadeau” (Les échos, 13/10/00). En effet, poursuit le journal, “les droits économiques et sociaux” ne figurent dans la Charte “qu’à l’état de principe et non de droits invocables”, au point que “même le CBI, le très réticent patronat britannique” a fini par accepter la Charte ...


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